Crise des migrants en Libye: «Ce qu’on veut, c’est être protégés, c’est la sécurité»
Crise des migrants en Libye: «Ce qu’on veut, c’est être protégés, c’est la
sécurité»
En
Libye, les réfugiés et demandeurs d’asile demeurent plus vulnérables que jamais
après la vaste opération de sécurité qui les a visés ce mois-ci. Début octobre,
les forces affiliées au ministère de l’Intérieur ont investi un quartier
populaire abritant des migrants et demandeurs d’asile, causant la mort de sept
personnes et la destruction de nombreux logements temporaires. Depuis, environ
deux mille d’entre eux se sont regroupés devant les locaux d’un centre du
Haut-Commissariat aux réfugiés dans l’espoir d’être évacués.
Youssouf est un demandeur
d’asile de 21 ans arrivé l’an dernier du Darfour au Soudan. Ce 1er octobre, il
est dans un appartement avec plusieurs de ces camarades d’infortune à
Gargaresh, un quartier ciblé par les autorités officiellement parce qu’il
abriterait des trafics de drogues, d’alcools et de migrants : « Nous
étions à la maison, en train de dormir. Tout à coup, vers 5h du matin, j’ai
entendu des éclats de voix dehors. J’ai ouvert la fenêtre et là, j’ai vu des
hommes armés qui traînaient de force des voisins dans la rue. J’ai verrouillé
la porte et j’ai refusé de leur ouvrir. C’est là qu’ils ont fini par briser la
porte. Ils étaient 7 ou 8 et ils m’ont battu, j’ai encore la trace là, sur le
pied. Puis on nous a mis dans des voitures. Je leur ai dit que je préfèrerais
qu’ils me tuent sur place ».
À Gergaresh, les
arrestations se chiffrent par milliers, femmes et enfants compris. Le Premier
ministre intérimaire se rend sur place pour se féliciter de l’opération, mais
sans un mot pour les victimes. « Les migrants étaient nombreux dans ce
quartier parce que les loyers n’étaient pas chers et les logements sauvages.
Malheureusement, les autorités n’ont pas planifié l’opération comme il fallait.
Certaines personnes, notamment les femmes, ont été emmenées dans le
camp d’al-Mabani, d’autres ont dormi dans la rue, d’autres encore ont
disparu. C’est une grande erreur du gouvernement qui aurait dû prévenir de
l’opération, pour que par exemple les plus vulnérables comme les femmes
puissent quitter l’endroit. C’est un crime », déplore Tarek
Lamloum de l’ONG libyenne Belaady « Mon pays ». Ces arrestations massives
entraînent l’explosion du nombre de personnes dans les camps de détention déjà
saturés de la capitale.
Six migrants sont tués
alors qu’ils tentent de fuir. L’un d’entre eux, Othman 21 ans, a survécu. Sans
toit, désormais, le jeune Soudanais est allé camper avec 2000 autres personnes
devant le centre communautaire de jour opéré par le Haut commissariat au
réfugié. « J’avais un passeport, un téléphone. On m’a tout prix quand
je suis arrivé à la prison. Mais on a réussi à s’enfuir et on est venus
directement ici au centre de jour. Parce que ce qu’on veut, c’est être
protégés, c’est la sécurité. Le ministère de l’Intérieur nous a proposé de nous
emmener en centre de détention. Ce sont des prisons. Hors de question : Nous,
on veut l’évacuation immédiate. Voilà pourquoi on est là depuis presque un
mois… On est même prêts à rester un an sans problème. »
Face à la montée de la tension devant
le centre, le HCR a été contraint de fermer les locaux
et de (redéployer) son aide. D’après Jean-Paul Cavalieri, chef de mission en
Libye du HCR, la crise complique encore l’organisation des vols d’évacuation
pour les plus vulnérables. Ils viennent tout juste de reprendre.
En Libye, près de 1200
réfugiés attendent aujourd’hui de prendre l’un de ces vols humanitaires.