Maroc: un programme pour "réconcilier" les détenus radicalisés avec la société
"J'ai cru en des idées que je considérais justes, y compris la violence... Dieu merci, je n'ai pas de sang sur les mains", raconte à l'AFP Saleh, dans la bibliothèque de la prison de Kenitra, près de Rabat.
Arrêté en 2002, il a été condamné à mort pour "appartenance à une cellule terroriste et financement d'un projet terroriste" avant de voir sa peine commuée en 30 ans de prison à la faveur du programme "Moussalaha" (Réconciliation) en 2019. Il pourrait désormais obtenir une nouvelle mesure de clémence.
Lancé en 2015 par l'administration pénitentiaire (DGAPR) et diverses institutions, ce programme vise à assister les détenus condamnés pour "terrorisme" qui souhaitent se repentir.
Depuis 2002, le Maroc a démantelé plus de 2.000 cellules jihadistes et arrêté plus de 3.500 personnes accusées de lien avec des groupes islamistes radicaux.
Selon une source sécuritaire à Rabat, 1.662 combattants marocains ont été recensés dans la zone syro-irakienne depuis 2011.
- "Tendre la main" –
Saleh, la cinquantaine, a basculé dans le radicalisme "dans les années 1990 par le biais d'un imam de la Jamaa Islamiya", une organisation salafiste égyptienne, lorsqu'il fréquentait une mosquée à Turin, dans le nord-ouest de l'Italie où il avait émigré.
En 2001, il décide de "quitter ce pays d'infidèles" pour s'installer avec sa famille dans l'Afghanistan des talibans.
Mais les attentats du 11-Septembre bousculent ses projets. Il se voit contraint de retourner au Maroc, où il est arrêté, accusé d'appartenance à une cellule terroriste.
"Je croyais au devoir de combattre les tyrans qui n'appliquent pas la charia (loi islamique) et les Etats qui agressent les musulmans", confesse Saleh.
Sa foi s'appuyait sur une lecture littérale des textes religieux, rejetant toute autre interprétation.
Mais beaucoup de radicalisés "ressentent le besoin de se débarrasser de leurs idées extrémistes une fois seuls avec eux-mêmes", explique à l'AFP Mohamed Damir, condamné à mort en 2003 pour "terrorisme".
Ce Marocain de 47 ans dit n'avoir éprouvé cette envie qu'après des années d'emprisonnement, mais "avec la même sincérité que quand je me suis radicalisé".
Il a entamé depuis un long processus pour convaincre les autorités de "tendre la main" aux détenus comme lui.
En 2011, sa peine a été transformée en 30 ans de prison, puis il retrouve la liberté en 2017 après avoir pris part à la première édition du programme "Moussalaha".
"L'idée est le fruit d'une nouvelle approche, adoptée en 2015, qui consiste entre autres à surveiller l'évolution de ces condamnés et à aider ceux qui souhaitent se remettre en question", précise un responsable de la DGAPR, Moulay Idriss Agoulmam." –