Publié par CEMO Centre - Paris
ad a b
ad ad ad

Sur les terres rebelles soudanaises, l’accès humanitaire reste partiel

lundi 11/octobre/2021 - 02:21
La Reference
طباعة

Pendant trois heures, Muna et Nadia se sont faufilées sur les chemins boueux des monts Nouba. Une région du sud du Soudan caractérisée par ses montagnes culminant à 1 325 mètres, sa végétation dense et son absence de routes goudronnées. Les deux voisines voulaient atteindre le grand marché de Kauda qui se tient, chaque mercredi, à l’extérieur de la capitale des rebelles soudanais du SPLM-N (Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord). Épuisées, elles se sont finalement arrêtées sur le petit souk du centre de Kauda pour vendre des cacahuètes, des tomates cerises et des feuilles séchées d’hibiscus – utilisées pour préparer des infusions ou du jus de carcadet. Cette fin septembre s’avère particulièrement difficile pour les deux mères de famille car les réserves de l’année précédente sont écoulées tandis que la récolte n’a pas encore commencé. Or, elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes puisque, comme la plupart des hommes noubas, leurs maris sont engagés bénévolement au sein de l’armée du SPLM-N.

Ni Muna, ni Nadia, ni la majorité des commerçants rencontrés n’ont entendu parler de la réouverture partielle de l’accès humanitaire. Ceux qui peuvent se permettre d’envoyer certains de leurs enfants à l’école se réjouissent, toutefois, du fait que ces derniers bénéficient d’un repas gratuit. C’est le seul exemple cité illustrant le retour, depuis fin 2019, du Programme alimentaire mondial (PAM) sur les terres contrôlées par les rebelles – sept enclaves regroupées dans les états méridionaux du Kordofan du Sud et du Nil bleu.

D’autres agences onusiennes se sont rendues sur place, fin mai, pour envisager de reprendre, à leur tour, leurs activités après un départ précipité en 2011, lors de la résurgence des combats entre le SPLM-N et le régime d’Omar el-Béchir. Entre avril et mai, le PAM a par ailleurs, pour la première fois, pu atteindre cinq enclaves isolées et y délivrer des biscuits énergétiques et autres compléments alimentaires directement depuis le Soudan. Mise à part cette exception, deux ans et demi ont beau s’être écoulés depuis la chute du dictateur, l’aide matérielle aux territoires rebelles doit toujours transiter par le Soudan du Sud frontalier. Avant d’être acheminée en camion via des pistes difficilement praticables et entrecoupées de rivières durant la saison des pluies.

Une paix toujours en suspens

Une situation laborieuse liée à l’absence de paix officielle, malgré un cessez-le-feu reconduit depuis 2016. Suspendues le 15 juin, les négociations entre les représentants du gouvernement de transition soudanais et le chef des rebelles, Abdelaziz al-Hilu, pourraient reprendre prochainement. En attendant, les quelque 800 000 riverains ont « désespérément besoin de secours », alertait le communiqué de l’ONU suivant la visite de mai.

Parmi ces civils en détresse, le petit Ibrahim, 4 mois. « Depuis mon accouchement, je ne produis pas de lait. Je lui ai donc donné du lait de chèvre. Mais cela lui a provoqué de la fièvre, de la toux et de la diarrhée », énumère sa mère, Iklas Sidig. Impossible, en effet, de trouver du lait infantile à l’épicerie ou dans le centre de soin le plus proche. Alors, la trentenaire a laissé ses six aînés chez elle, et a marché, pendant une journée, jusqu’à l’hôpital allemand de Lwere, à une trentaine de minutes en voiture de Kauda.

Il s’agit d’un des seuls établissements de santé des monts Nouba avec celui de Gidel, également situé à moins d’une heure de la capitale. « La réouverture de l’accès humanitaire n’a rien changé pour nous. En l’absence de médicaments et de matériel médical dans les unités de soin locales, les patients continuent à venir de partout », décrit Elena Proegler, une infirmière allemande qui travaille régulièrement à Lwere depuis 9 ans. « Nous avons perdu beaucoup d’enfants, ajoute sa collègue, Anicka Wentz, elle aussi allemande. Il y a une combinaison de malnutrition et d’absence de traitements adaptés. Quand les mères se résignent à emmener leurs enfants à l’hôpital, ces derniers parcourent de longues distances sans rien à manger ni à boire. Ils arrivent déshydratés, presque inconscients. »



"