Tunisie: les défis de Najla Bouden-Romdhane à la tête du gouvernement
Parce que la situation tant politique qu’économique de la Tunisie est préoccupante, cette universitaire - chargée un temps de faciliter l’accès à l’emploi des jeunes diplômés - ne va pas chômer en ce qui la concerne. « Les travaux de Najla Bouden-Romdhane », pour ainsi dire, sont nombreux et plus épineux les uns que les autres.
S’imposer face à un président et des syndicats qui ne lui feront pas de cadeau
En acceptant le poste de cheffe du gouvernement, Najla Bouden-Romdhane sait qu’elle va devoir composer avec un président bien décidé à rester maître à bord. Parmi les pouvoirs exceptionnels que s’est arrogé Kaïs Saïed en juillet dernier figurait le choix des futurs ministres. En recevant Najla Bouden-Romdhane au Palais de Carthage ce mercredi 29 septembre, Kaïs Saïed « a fait mine de lui confier la composition de son équipe », avance Selim Kharrat, fin connaisseur de la vie politique tunisienne et membre d’Al Bawsala, observatoire de la vie parlementaire tunisienne qui - l’Assemblée étant gelée - a désormais les yeux braqués sur la présidence. Najla Bouden-Romdhane va donc devoir démontrer à la fois sa capacité à communiquer avec le président tout en imprimant sa marque. Un sacré défi pour la néophyte de la politique politicienne qu’elle est.
De la consistance, Najla Bouden-Romdhane en aura doublement besoin dans un pays où le poids des syndicats est déterminant. À commencer par celui de l’UGTT; l'Union générale tunisienne du travail. Cette centrale, voyant dans les pouvoirs exceptionnels du président « un danger pour la démocratie », ne se privera probablement pas de tacler sa nouvelle cheffe du gouvernement en temps voulu.
Et comme si cela ne suffisait pas, Najla Bouden-Romdhane - à défaut d’obtenir la confiance du Parlement, celui-ci étant gelé - devra redoubler d’efforts pour gagner celle des Tunisiens qui ne savent finalement que très peu de choses d’elle.
Rassurer la communauté internationale
Louée par ses proches pour son calme et son empathie, Najla Bouden-Romdhane devra aussi rassurer à l’international. Tout l’été, les inquiétudes américaines, européennes ou encore celle des pays du G7 ont donné à voir combien la communauté internationale peinait à comprendre les intentions d’un président tunisien dont la communication n’est décidément pas l’atout principal. Alors que le sommet de la francophonie doit se tenir à Jerba en novembre prochain, la nomination de cette femme davantage rompue à l’exercice de la représentation que le chef de l’État peut s’avérer être un atout. D’autres diront un moindre mal tant Najla Bouden-Romdhane n’est pas non plus une diplomate de carrière.
Renouer les liens avec le FMI
Dernière tâche et sans doute la plus ardue, il lui faudra renouer le contact avec le FMI - « à bout de patience vis-à-vis de la Tunisie », selon Selim Kharrat - et mettre à profit son capital sympathie pour trouver une solution au marasme économique qui menace la Tunisie. Les négociations pour un nouveau prêt - d’une valeur de 3,3 milliards d’euros - étaient au point mort depuis le coup d’éclat de Kaïs Saïed. Elle qui a accompli une mission pour la Banque mondiale en lien avec l’employabilité des jeunes Tunisiens reste cependant novice en tractations de cette ampleur. Sa désignation prochaine d’un ministre de l’Économie laissera entrevoir davantage la stratégie que Najla Bouden-Romdhane - et donc Kaïs Saïed - souhaite poursuivre alors que la Tunisie, à force de s’endetter pour rembourser des dettes antérieures, frôle désormais le défaut de paiement.
Le bizutage s’annonce donc rude pour l’ancien professeur de l’enseignement supérieur qu’elle fut. Reste à espérer que cette géologue de formation ait le cœur bien accroché. La nomination de Najla Bouden-Romdhane n’a en tout cas pas calmé les opposants à Kaïs Saïed. Des messages appelant à manifester dimanche 3 octobre contre ce qu’ils appellent le « coup d’État » circulent sur les réseaux sociaux. L’état de grâce n’aura duré que quelques jours pour la toute nouvelle cheffe du gouvernement tunisien.