Les
services de renseignements et la lutte antiterroriste : L'efficacité et la
restructuration
Ahmad
Kamel Al-Beheiry
L’expansion des
menaces terroristes au delà des frontières de tous les
pays, s’est répercutée de manière considérable sur
le rôle traditionnel des services
de renseignements dans ces pays. Ce qui pousse à revoir
les méthodes de traitement des informations jusque là
utilisées par ces services ainsi que leurs relations avec les autres
organes de leurs pays et les services de renseignements d’autres pays.
Le terrorisme a également poussé les agences de renseignements à
se restructurer et à faire de la lutte antiterroriste leur
priorité. Ce rôle qui semble évoluer au gré de
l’évolution des méthodes terroristes, s’est manifesté dans la
lutte contre le terrorisme par la coopération entre les
renseignements. L’évolution de la technologie et les moyens
modernes de communication qui ont fourni un tas d’informations aux
organisations terroristes, compliquent davantage
le rôle des services de renseignements en ce qui
concerne le respect de la vie privée qui a freiné parfois
les enquêtes et le suivi des éléments terroristes.
Primo :
Les efforts internationaux dans le renforcement des capacités
des services de renseignements dans
la lutte antiterroriste.
La puissance
militaire d’un pays ne détermine pas ses capacités à faire face au
terrorisme car cette guerre est une guerre aux frontières inconnues et
où l’information est le facteur
capital. Ainsi, plusieurs pays ont su dépasser les
vieux obstacles et ont renforcé le rôle des services de
renseignements de la manière suivante :
1. les États-Unis d’Amérique
Les événements du
11 septembre ont poussé les États-Unis à mettre sur
pied une commission pour étudier les causes des attentats et de
faire des propositions adéquates en vue d’éviter la
répétition de ces types d’actes terroristes sur le
sol américain. Plusieurs réformes ont été faites :
• La création d’un
Centre national de lutte contre le terrorisme
pour résoudre les problèmes d’ordre structurel de
l’appareil des renseignements comme l’absence d’une
entité adéquate pour l’exécution des plans pour la
lutte antiterroriste. La commission considère le Centre
national comme faisant partie des services de renseignements dont
la principale mission est la lutte contre le terrorisme. Il est chargé
d’analyser les opérations terroristes et
d’émettre des doléances en vue d’orienter les activités
des agences de renseignements vers la lutte contre le terrorisme.
• La suppression de
la limite entre le rôle des forces de sécurité et
le rôle des services de
renseignements : La coordination entre les forces
de sécurité et les services de renseignements,
a toujours été l’un des principaux obstacles dans
la lutte contre le terrorisme. Les États-Unis ont donc effectué
plusieurs amendements nécessaires dans
l’appareil sécuritaire afin de l’intégrer directement dans
les services de renseignements. La fonction du
Directeur National des renseignements a été modifiée et
actualisée et tous les obstacles entre les renseignements et les agences de
protection de la loi, ont été supprimés dans le but
de faciliter l’échange des informations entre les
organes concernés.
• La création d’un
poste de Directeur National des renseignements en lui permettant
de créer à son tour un réseau de renseignements où circulent les
informations, les personnes et les ressources en toute liberté. Mais
la création d’un réseau requiert des
protocoles communs entre les agences en ce
qui concerne la sécurité, la technologie de l’information,
les employés, les politiques et les diverses procédures.
Le
Directeur National des renseignements mettra en place
ces protocoles et forcera les agences à les appliquer pour une
meilleure performance, et il jouira d’un financement de la part des
autorités compétentes.
2. Les
renseignements britanniques et la lutte contre le terrorisme.
La Grande
Bretagne a connu plusieurs attentats terroristes ces derniers
temps. Des voix se
sont élevées pour réclamer une meilleure coordination
entre les services de renseignements, et un élargissement de
pouvoir sur la surveillance des extrémistes, la lutte contre la
cybercriminalité et contre les trafiquants
d’êtres humains afin de relever les défis auxquels le
Royaume-Uni fait face. Ainsi plusieurs réformes ont été effectuées dans les
services de renseignements britanniques pour corroborer les
nouvelles menaces terroristes. Parmi ces réformes :
• La complémentarité entre
les services. suite aux attentats de Londres en 2005, le
gouvernement britannique a décidé de fusionner les
services de renseignements intérieurs et
les services de renseignements extérieurs sous
l’appellation ‘’SO-15’’ et a créé
un service de renseignements sur le terrorisme.
• Le
renforcement de la vérification des informations collectées, afin
que les services de renseignements ne soient pas induis en erreur dans
l’appréciation de la situation comme ça a été le cas sur les
armes de destruction massive irakienne avant la guerre en 2003.
Des spécialistes ont été nommés dans le but de vérifier l’information
et de s’assurer de sa véracité.
• L’élargissement des compétences.
En novembre 2016, le
parlement britannique a approuvé une législation qui
accorde plus de pouvoir aux services de renseignements et de
collecte des informations par le suivi et la
surveillance électronique via les téléphones portables et
les ordinateurs.
• L’Investigatory Powers en
2016 qui a obtenu l’accord du palais royal en novembre. La loi
qui unifie les organes de protection de la loi, les agences
de sécurité et les agences de renseignements, repose sur
trois éléments :
- elle
combine les pouvoirs accordés aux organes de protection de la loi, aux
agences de sécurité et aux agences
de renseignements pour obtenir des contacts et des
données. Ce qui rendra clairs, les pouvoirs et les garanties sur
lesquels elle doit s’appliquer.
- effectuer
des réformes en profondeur sur la manière dont ces pouvoirs sont
permis. Elle présente une double réglementation pour
une opposition de telle sorte que les garanties ne deviennent
applicables après l’accord du ministre des Affaires étrangères qu’après
l’approbation du juge.
- elle
fournit des pouvoirs adéquats à l’ère numérique car elle
stipule la sauvegarde des registres de connexions internet pour déterminer les
communications liées à un appareil. Ce qui rétrécira le fossé
causé par les nouvelles méthodes de communication entre
les individus.
En
juillet 2018, la Grande Bretagne a dévoilé sa
nouvelle stratégie de la lutte contre le terrorisme qu’elle
a élaborée après les attentats de
2017. Cette stratégie dénommée ‘’Contest’’ consiste
à la célérité dans les échanges d’informations entre
les MA5, la police, les autorités locales et le secteur
chargé spécialement de la lutte contre le terrorisme.
Secundo :
Les efforts les plus marquants pour le renforcement du rôle des
services de renseignements dans la lutte antiterroriste
• l’élargissement des
pouvoirs des services de renseignements : surveillance des
communications électroniques, piratage des
sites, écoute des appels téléphoniques, autorisation aux
agents de renseignements d’usurper de fausses identités pour
se protéger et obtenir des informations et des données de la part
des sociétés de télécommunication. En mai
2015 après les attentats de Québec et d’Ottawa, le
parlement canadien a approuvé une loi sur le renforcement des pouvoirs des
services de renseignements en leur permettant pour
la première fois d’effectuer de l’espionnage hors
des frontières canadiennes. Et en Belgique, en dépit de
quelques oppositions exprimées, le parlement belge a
approuvé un projet de loi qui permet aux services de renseignements de
pirater certains sites et de placer certains appels téléphoniques
sur écoute.
• la
suppression du barrage entre les agents de sécurité et ceux des
renseignements. La coordination entre les forces de sécurité et
les agents de renseignements a toujours été une question épineuse qui
a entravé les efforts dans la lutte contre le terrorisme. Après
les évènements du 11 septembre, les renseignements américains ont
été renforcés dans la lutte contre le terrorisme,
notamment après la découverte des brèches sécuritaires
dans le système, ce qui a conduit à une restructuration et
une réorganisation permettant une
meilleure coordination entre les agences fédérales.
Les États-Unis ont créé un poste de Directeur National des
renseignements et ont supprimé tous les obstacles entre les
divers organes dans le but de faciliter la circulation
des informations. La Grande Bretagne, après les attentats
de Londres, a fusionné les services
de renseignements intérieurs et ceux de
l’extérieur sous l’appellation SO-15 et a créé une agence
de renseignements sur le terrorisme.
Tertio :
Les dénominateurs communs entre les stratégies des
services de renseignements internationaux dans la
lutte antiterroriste.
En dépit de disparités entre
les services de renseignements occidentaux, il existe toutefois un certain
nombre de dénominateurs communs dont :
1. la détermination du
danger qui est l’un des éléments essentiels de toutes
ces stratégies. ce qui a fait de la menace terroriste, une
priorité pour les pays occidentaux avec
une conséquence directe sur les services
de renseignements ;
2. la détermination des
objectifs et la prise des mesures proactives.
Aucune stratégie ne pourra réussir sans une bonne détermination
des objectifs de manière instantanée. Quant
aux mesures proactives, elles sont d’une importance
capitale et pourraient être les plus efficaces dans un pays
où les forces de sécurité utilisent la technologie de pointe
pour contrer les attentats terroristes ou pour en diminuer
l’impact.
3. les
directives générales de mobilisation en cas d’urgence
en renforçant les capacités des forces de sécurité, les services
d’urgence et les capacités d’armement ;
4. le
cadre juridique élaboré par chaque pays dans le but de
cadrer l’action des services de renseignements et de corroborer les
nouvelles menaces terroristes ;
5. les
politiques flexibles. Toutes les stratégies se focalisent sur
les capacités d’adaptation dans les situations les
plus instables, et effectuent des
opérations d’appréciation du rôle des services de
renseignements afin de s’assurer qu’ils vont réussir ou qu’ils
ont besoin d’un changement.
Quarto :
Les défis auxquels font face les services
de renseignements dans la lutte contre le terrorisme.
• Les services
de renseignements de tous les pays font face aux défis qui
les empêchent de contrer efficacement les attentats
terroristes. Parmi ces défis :
• l’absence
de coopération effective entre les services de renseignements et
les appareils sécuritaires et les autres organes chargés de la
protection de la loi. Ce qui a empêché à plusieurs reprises
d’éviter des attentats avant qu’ils ne soient perpétrés.
Cette absence de coopération ne se limite pas seulement à
l’intérieur d’un même pays mais s’étend aussi entre les
divers pays comme le démontre l’Union Européenne qui
a échoué à mettre sur pied une entité consacrée aux
renseignements afin de contrer les attentats terroristes dont beaucoup
de pays européens ont souffert.
• la
confrontation dure et directe qui consiste à prolonger
les états d’urgence et à déployer incessamment des
forces de sécurité, est une explication éloquente de
l’échec de plusieurs pays à pouvoir empêcher des attentats
terroristes sur leurs sols. En dépit des échecs et
des réussites des services de renseignements dans les guerres et
les divers conflits, le rôle de ces services dans la lutte contre
le terrorisme reste très limité aussi bien dans les
pays développés que dans les autres pays. Les services de renseignements
peinent toujours à découvrir les cellules terroristes et
à empêcher les attentats.
• la
lenteur dans le transfert des informations. Il n’y a aucun doute que
l’obtention de l’information est l’une des principales armes contre le
terrorisme, plus redoutable que la force militaire elle-même. Mais
l’accès à l’information est lié aux procédures administratives assez
complexes qu’il faut nécessairement modifier en passant d'une
structure verticale à une structure horizontale qui permet une meilleure
circulation de l’information.
• des
pouvoirs limités dont souffrent les services
de renseignements dans certains pays. Ce
qui réduit non seulement leur efficacité dans
l’obtention de l’information mais aussi la transmission de l’information
aux preneurs des décisions au moment opportun. Ce
qui renvoie au manque de coopération entre
les renseignements et les forces de sécurité et aussi à
l’interférence dans les missions de ces organes.
• les
obstacles liés à la nature de l’action terroriste, font aussi
partie des difficultés que rencontrent les services de
renseignements dans la lutte contre le terrorisme car ils
surveillent parfois de petits groupes dispersés et des individus capables de
se cacher pour n’apparaître qu’au moment de l’exécution de
l’attentat terroriste.
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