Publié par CEMO Centre - Paris
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Ahmed Youssef, Écrivain, Directeur exécutif du CEMO
Ahmed Youssef, Écrivain, Directeur exécutif du CEMO

Des Egyptiens que j’ai connus à Paris, « Youssef Chahine, la prison heureuse d’Alexandrie » (6)

vendredi 10/septembre/2021 - 10:37
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Les Causeries du vendredi à Paris

 

Des Egyptiens que j’ai connus à Paris,

« Youssef Chahine, la prison heureuse d’Alexandrie » (6)

 

En 1998, la salle du Carrousel au Musée du Louvre a organisé une exposition de l’artiste et ministre de la culture Farouk Housni. Je suis sorti de la station de métro qui faisait face à l’entrée de la Salle, et je m’apprêtais à traverser la rue de Rivoli qui séparait les deux, lorsque j’entendis derrière moi quelqu’un qui me dit : « Laissez-moi traverser la rue avec vous ». Je me suis retourné, ce fut Youssef Chahine, et ce fut ma première rencontre avec lui . J’avais l’impression de le connaître depuis des années. Il me demanda, alors que nous entrions dans la salle de l’exposition remplie d’invités, de quelle ville d’Egypte j’étais. Je lui répondis : « d’Alexandrie ». Il rit et dit : « On sera alors des amis ».

Tous ceux qui sont nés à Alexandrie deviennent prisonniers de leurs souvenirs dans cette ville, sauf Youssef Chahine, qui était prisonnier de son lieu de naissance lui même. Il passa sa vie à rechercher sa liberté dans des films célèbres qui lui ont été inspirés par la ville, dont le nom figure souvent,  d'ailleurs, dans leurs titres, comme si il s'en servit comme qu’ornement pour son cinéma. 

En 1999,  l’sssociation France-Egypte de la ville de Limoges cherchait à ’inviter Chahine à une semaine consacrée  à  Alexandrie et à la projection de son film « Alexandrie, pourquoi ? ». Chahine accepta volontiers. il  est venu spécialement en France, mais il est revenu sur sa décision, suggérant une solution que je ne pouvais refuser. Il a proposé de filmer une vidéo avec moi en guise de  message de sympathie et d’excuse aux habitants de Limoges. C’est  MamdouhAnouar, alors photographe du bureau d’al Ahram à Paris, qui est venu filmer la rencontre dans un grand hôtel de la rue Saint-Pierre. Assistait également à  ce mini tournage la présidente de l’Association, Monique Sauvage.

La popularité de Youssef Chahine en France était plus grande – comme cela nous a semblé alors – qu’en Egypte et dans le monde arabe. En France, il avait de nombreux amis, et à leur tête, Dominique Baudis, alors président de l’Institut du monde arabe, et sa femme Ysabel, qui l’accueillirent chaleureusement. En Egypte, il eut des expériences amères avec les critiques, le public et la censure. Ainsi, lors de sa sortie à Paris, son film "Le Destin", Le film a connu un succès formidable, et la presse française a présenté le film comme la meilleure arme culturelle pour contrer le fanatisme religieux. Chahine était aux anges . En effet, le film était un chef d'œuvre . Chahine remarqua que les médias français étaient toujours soucieux d’insister sur son lieu de naissance, comme si Alexandrie était son véritable passeport ou le tremplin pour justifier sa renommée européenne. « Alexandrie n’était-elle pas l’Europe avant l’Europe ? », comme il le dit une fois lors d’une rencontre avec de nombreux journalistes peu avant sa participation à la célèbre émission « Apostrophes » avec Pierre Boutros-Ghali.

Chahine est parvenu à utiliser son origine alexandrine dans son art, ou à en tenir compte, peut-être selon la méthode : « soigner le mal par le mal ». Dans tous les cas, il savait que la prison de sa vie était Alexandrie, et il n’a jamais eu l’intention d’en sortir.

 

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