Coronavirus : les enseignants appréhendent une rentrée scolaire complexe
Alors qu'ils reviennent en classe ce mercredi pour préparer la rentrée de leurs élèves, ce jeudi 2 septembre, les enseignants de métropole se préparent à une nouvelle année sur fond de coronavirus, alors que la rentrée scolaire est reportée au 13 septembre dans les Antilles. Le protocole sanitaire révélé par le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer suscite interrogations et inquiétudes, et certains professeurs craignent une année à nouveau très perturbée par l'épidémie et le manque de moyens pour y faire face.
La joie de retrouver les élèves contrariée par le port du masque
"On préfère les avoir devant nous plutôt que derrière un
écran", dit de ses
élèves Sophie Vénétitay, professeure
de Sciences économiques et sociales et secrétaire générale du
Snes-FSU, principal syndicat dans
l'enseignement secondaire. Elle est évidemment heureuse de revoir physiquement
ses élèves, mais "veut les moyens pour pouvoir bien le
faire", résume-t-elle.
"Découvrir des
élèves d'emblée avec le masque, ça me peine un petit peu" - Lucille, professeure d'espagnol dans
les Yvelines
Lucille, professeure d'espagnol dans les Yvelines, est elle aussi ravie de retrouver ses
élèves, mais appréhende également cette nouvelle rentrée : "Je
suis très mitigée, c'est presque la troisième année scolaire avec masque", résume-t-elle. En poste dans
deux nouveaux collèges différents, elle
va "découvrir des élèves d'emblée avec le masque, ça me peine un
petit peu."
Mais surtout, l'enseignement
d'une nouvelle langue est rendu très difficile avec le masque : "D'habitude,
les élèves voient la prononciation sur mes lèvres, explique-t-elle. "Mais là, les élèves de 5e qui
découvrent l’espagnol ne peuvent pas voir mes expressions, mes mimiques, pour
la prononciation de la "jota" par exemple."
Un protocole sanitaire qui reste flou
Malgré la progression de la
vaccination chez les 12-17 ans, dont 55% ont reçu au moins une
dose, "pour l’instant
on est très loin de l’idée d’une rentrée normale", se désole la représentante du Snes-FSU. "Il reste
beaucoup de questions : comment va s'organiser la vaccination dans les
établissements, comment on va isoler les élèves, qui va contrôler le statut
vaccinal des élèves, comment on va gérer les cas contact ? Sur toutes ces
questions, on n'a pas de réponse, alors qu'on pose les questions depuis début
juillet", s'inquiète-t-elle.
Aérer les salles, quand les feuilles s'envolent, que les élèves ont
froid en plein hiver, c'est beaucoup plus compliqué" - Lucille, professeure d'espagnol dans
les Yvelines
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rentrée "la plus normale possible"
Le protocole sanitaire préoccupe également Lucille : "Aérer les salles, évidemment, mais quand les feuilles s'envolent, que les élèves ont froid en plein hiver, concrètement c'est beaucoup plus compliqué", explique-t-elle. "Dans les faits, beaucoup de choses sont inapplicables. Je veux bien m'adapter, mais dans la limite du raisonnable", confie-t-elle.
De nombreux professeurs sont
d'ailleurs amers, après que leur ministre Jean-Michel Blanquer a choisi la presse pour dévoiler ce
protocole sanitaire de la rentrée. "On a, encore
une fois, un ministre déconnecté de la réalité, déplore la représentante du SNES-FSU Sophie Vénétitay. "On
a le sentiment de revivre sans cesse le même mauvais épisode d’une très
mauvaise série".
La crainte du retour d'un enseignement à deux vitesses
Autre sujet d'inquiétude :
le système "hybride", avec cours en présentiel pour une partie de la
classe et à distance pour l'autre, qui pourrait faire son retour
dans les collèges et lycées si la
situation sanitaire se dégrade. Un double enseignement redouté par
Lucille : "L'an
dernier, c'était très difficile, on a perdu beaucoup d'élèves", rappelle-t-elle. "Enseigner
à la fois en distanciel et en présentiel, avec deux établissements différents,
sachant que j'ai déjà trois heures de trajet par jour, je ne vois pas comment
c'est possible",
s'inquiète-t-elle. "Je me dis ‘on verra bien, on essaiera de faire
au mieux'".
Pour le moment, Lucille n'a reçu
aucune directive du rectorat, ni de ses établissements concernant cette
éventualité. "Quand on entend Jean-Michel Blanquer dire qu’on
est prêts, on se dit 'bien sur que non'. Tout le monde n’a pas accès au
numérique et on manque cruellement de moyens au quotidien', rappelle-t-elle.
Sophie Vénétitay regrette
aussi le manque de moyens face aux inégalités creusées par la
pandémie. "On va avoir
des classes à 30 ou 35 élèves alors que les inégalités se sont accrues pendant
cette pandémie. Diminuer les effectifs aurait été une bonne chose", regrette-t-elle.
En primaire, la crainte d'une
explosion de l'épidémie
Dans les écoles primaires, où
les élèves ne seront pas vaccinés en raison de leur âge, de nombreux
enseignants s'inquiètent du risque de propagation du virus. Le Snuipp, premier
syndicat du primaire, demande à renforcer le protocole sanitaire.
Le syndicat réclame des
tests salivaires hebdomadaires à domicile, et
des règles plus strictes à la cantine. Le syndicat a obtenu gain de cause sur le port du masque, qui
restera obligatoire dans les cours de récréation. Mais "Il n'y a pas de raison de penser qu'il
faudrait fermer les écoles", a
martelé le Premier ministre Jean Castex jeudi sur RTL.
Un taux d'incidence supérieur à
la rentrée 2020
Pourtant, "si
on compare cette rentrée à celle de l'an dernier, nous ne sommes pas du tout
dans les mêmes taux d'incidence", explique
Guislaine David, la secrétaire générale du Snuipp : "on
enregistre un taux de 128, contre 30 en 2020 pour les 0-9 ans et un taux de 310
contre 109 l'an dernier pour les 10-19 ans", avertit-elle.
"Avec ce protocole, il y a fort à parier que l'école sera perturbée
dès les premières semaines avec une forte circulation du variant Delta", estime-t-elle. Elle pointe aussi du
doigt l'aération des classes, et regrette que "Jean-Michel
Blanquer ne développe pas de financement pour l'achat de capteurs de Co2", que le gouvernement veut généraliser
dans les classes, mais qui restent à la charge des communes.