Le soufisme en Allemagne, Nakchabandya et influence turque
Par Nahla Abdel
Moneim
L’Allemagne compte
près de 83 millions d’habitants de différentes confessions. Cinq millions
d’entre eux ont adopté l’Islam, et une partie de ceux-là ont formé un mouvement
profondément associé aux méthodes soufies. L'attachement inébranlable à l'Islam
est le caractère
fondamental du mouvement mystique en Allemagne. Les écrits occidentaux sur le
soufisme ont tendance à le rattacher au gnosticisme, considéré comme un
enseignement plus noble que la religion. Mais les soufis allemands n’adoptent
pas ce concept, et considèrent le soufisme comme une partie inséparable de
l'Islam.
Les études qui
s’intéressent à la société mystique d’Allemagne évoquent d’autres
caractéristiques du soufisme dans ce pays, comme cette étude effectuée par le
centre américain des recherches, qui affirme que le soufisme a conduit certains
chrétiens à adopter l’Islam, comme en témoignent le cheikh Hassan Dyek, cheikh
de la Zaywéya ottomane et le cheikh de la tekkia moulawéya Abdullah Halis.
Les soufis, qui
sont répartis dans différentes régions d’Allemagne, suivent la méthode
Naqchbandya (en référence à Mohamad Bahaaedddin Shah Naqchband, né en
Ouzbékistan en 1317), et ce pour plusieurs raisons. La plus importante est la
forte proportion d’allemands d’origine turque au sein de la communauté
musulmane d’Allemagne. Une statistique récente publiée mi 2018 par
l'Observatoire d’Al-Azhar de lutte contre l'extrémisme, indique qu’il existe environ
2,5 millions de musulmans allemands d'origine turque, soit la moitié de la
population musulmane.
La Naqchbandyya a
connu une grande diffusion sous le califat ottoman, disparu en 1923.
Aujourd’hui, la majorité soufie cherche à faire revivre cet héritage mais de
manière différente. Pour certains, le soufisme est une nourriture spirituelle
qui procure une sorte de satisfaction existentielle assurant la continuité
entre le passé et le présent.
La domination
turque ne se limite pas à la diffusion de la Naqchbandya, mais s’étend
également à la méthode Mawlawya, attribuée à Jalal al-Din Al-Rumi (Afghan
désigné par ses disciples par le terme Mawlana et qui a vécu entre 1207 et
1273).
Un peu partout en
Allemagne, sont organisées des séances de Dhikr (mention d’Allah, exalté
soit-Il) où les fidèles se dandinent aux rythmes de la musique. Ces séances que
se tiennent périodiquement. Il existe de multiples centres soufis mais la
plupart ont les mêmes rites : soirées poétiques, symposiums, dîners et
spectacles qui rappellent le passé ottoman.
La plupart des
sites mystiques partagent la tradition de Mohammed Nazem Adel Al-Haqqani
(1922-2014), connu sous le nom de Cheikh Nazim le Chypriote, en référence à son
lieu de naissance. Il est le descendant des cheikhs de la Tarika mawlawya. Il a
appris de son grand-père maternel cette méthode, et de son grand-père paternel
la méthode Qadyria, puis il a adopté la Naqchabandya qu’il a répandue en Europe
avec l'aide de son fils, Mohammed Mohammed Al-Haqqani, qui supervise encore certains
centres en Allemagne.
L’un des centres
les plus célèbres de la Naqchabandya en Allemagne est le centre soufi Rabbani.
Il possède des branches dans plusieurs capitales européennes. Il est
actuellement dirigé par le cheikh Ashraf Effendi (élève de Nazim le chypriote),
originaire de Turquie. Effendi a fondé le centre à son retour de la
guerre en Bosnie (menée entre 1992 à 1995 pour se séparer de la Yougoslavie).
Le centre est financé par des dons.
La Zawyéa ottomane
(osmanische herberge) évoque par son nom le passé. Cette Zawéya apprend aux
fidèles la haute spiritualité et l'ascétisme, mais pas à travers des
conférences ou des séminaires. Elle répand la Naqchabandya par la danse, la
musique et la joie.
Cette joie réunit
tout le monde, qu’il s’agisse des fondateurs du centre ou de ceux qui s’en
occupent. Les événements organisés par le Centre sont filmés et comportent
habituellement quelques séquences montrant le cheikh Hassan Dayk (directeur du
centre et élève de Nazem Haqqani) dansant pour demander l’aide divine.
Le centre de
Berlin
C’est l'un des
centres Naqchbandis les plus importants. Il a contribué à répandre l'influence
turque. Le centre est issu de l’Association ottomane, premier représentant de
la culture turque en Allemagne.
Comme ses prédécesseurs,
le centre a recours aux mélodies et aux hymnes musicaux pour diffuser les
enseignements du soufisme.
La Tékya Mawlawéya
La musique est la
force spirituelle sur laquelle s’appuient les adeptes de la méthode Mawlawéya
en Allemagne, dirigée par le cheikh Abdullah Halis Effendi.
Les tékayas
mawlawyas (également inspirés du passé ottoman) se multiplient dans le pays.
Les plus célèbres sont celles situés au sud de la capitale Berlin, dirigés par
le cheikh Abdullah Halis lui-même.
L’école islamique
soufie
Elle a une
approche quelque peu différente. Sa méthode est l’Ouassya Chah Maqsoudiyya, en
référence à Aweys ibn Amer Al-Qarni (594-658), qui a vécu à l’époque du
prophète Mohamad (paix et bénédictions d’Allah sur lui) et qui est mort à la
bataille de Safin entre Muawiya ibn Abi Sufyan et Ali bin Abi Talib (Ouayess
était l’un des partisans d’Ali).
L'école, qui a pour nom Maktab
Tarighat Oveyssi Shahmaghsoudi ou M.T.O, suit différentes approches pour
diffuser le soufisme. Elle n'est pas uniquement basée sur le Dhikr, mais
s'intéresse également aux activités sociales et éducatives et à la création de
jardins d'enfants et d'écoles pour enfants.