Publié par CEMO Centre - Paris
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La nouvelle stratégie britannique de lutte contre le terrorisme

jeudi 18/octobre/2018 - 02:38
La Reference
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Dr. Moubarak Ahmed, spécialiste des systèmes comparés

L'annonce par la Grande-Bretagne d'une nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme soulève une série d’interrogations :  quelles seront les caractéristiques de cette stratégie ? Dans quelle mesure pourrait-elle contrer les menaces terroristes en Grande-Bretagne ? Peut-elle être appliquée dans d’autres pays européens ? Et quelles sont les défis auxquels sera confrontée cette nouvelle stratégie ? Le ministre britannique de l’Intérieur, Sajid Javid, a expliqué que cette stratégie révisée de lutte contre le terrorisme est « le fruit des leçons qu’on a tirées des attaques terroristes de Londres et de Manchester l'année dernière (2017) et des réactions des Britanniques à leur sujet ».

Caractéristiques initiales

Le 4 juin 2018, Sajid Javid, annonçait les grandes lignes de cette nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme, qui vise à contrer ce qu'il appelle « la nature changeante des terroristes ». La stratégie en question est fondée notamment sur des liens plus étroits avec les sociétés technologiques, et une coopération accrue entre les services de sécurité (le MI 5), la police, les autorités locales, et le secteur privé dans l'échange des informations au sujet des quelques 20 000 citoyens britanniques suspectés de terrorisme.

Pour renforcer la sécurité, le gouvernement britannique entend renforcer les peines de prison dans certains crimes. Par ailleurs, des mesures seront prises contre les militants de l'extrême droite, qui constituent avec les extrémistes islamistes, la plus grande menace. Il est à noter que Daech et l'extrême droite sont plus semblables qu'on ne le croit, ils exploitant les griefs des autres, déforment la vérité et portent atteinte aux libertés.

Javid a annoncé que 50 millions de livres sterlings supplémentaires seront allouées à la lutte anti-terroriste. Le budget total s'élèvera ainsi à 750 millions de livres sterlings. La nouvelle stratégie s'appuiera sur une loi qui aidera la police à prévenir les attaques terroristes. La loi comprendra notamment une redéfinition des crimes terroristes surtout que nous sommes à l’ère numérique. Elle prévoira des sanctions plus sévères à l’encontre des crimes terroristes et la possibilité d'enquêter sur les attentats perpétrés à l'étranger devant les tribunaux britanniques.

Des motifs multiples

Les motifs qui ont incité la Grande-Bretagne à adopter cette nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme sont multiples. Voici les plus importants :

1- L’adhésion des jeunes européens aux organisations terroristes. Les organisations terroristes en Grande Bretagne et dans les autres pays utilisent les rassemblements juvéniles et les cercles d'amis pour recruter des Européens et les envoyer en Syrie et en Irak. Le groupe Daech a réussi à attirer la jeunesse européenne par l’intermédiaire des réseaux sociaux, et par l'intermédiaire de groupes de jeunes opérant en Europe comme l’Association des britanniques du Bengale. Cette association comptait un certain nombre de jeunes britanniques, âgés de 19 à 24 ans, qui ont quitté la Grande-Bretagne pour rejoindre les groupes armés en Syrie et en Irak en octobre 2013. Ils ont fini par rejoindre les rangs de Daech et ont été tués dans la bataille de Ain Al-Arab Kobani fin 2014.

2 – Le changement qualitatif dans l’exécution des opérations terroristes. Alors que les attaques de Daech dans ses zones d'influence et dans certains pays arabes sont dirigées contre des objectifs militaires, comme les zones de concentration de l'armée et de la police et la population civile, notamment les mosquées chiites, les attaques de l’organisation dans les pays européens sont principalement dirigées contre des cibles faciles à atteindre, notamment les zones de rassemblement des civils où les mesures de sécurité sont minimales, ce qui permet aux terroristes de faire beaucoup de victimes. La mise en échec, par la Grande-Bretagne, de plusieurs opérations terroristes de Daech n'a pas empêché cette dernière de s’attaquer à un spectacle de chant au moyen d’un engin explosif à Manchester au nord de l'Angleterre, en mai 2017. Bilan : 22 morts, dont des enfants. Les attaques de Daech contre les spectacles chantants révèlent deux choses. La première est l’utilisation du facteur religieux pour attirer de nouveaux extrémistes. La seconde est la difficulté de contrôler ces lieux par la sécurité, en raison de la présence d'un large public.

3 – Le problème des loups solitaires. Les organisations terroristes utilisent le phénomène des loups solitaires pour lancer leurs opérations. Cette stratégie repose sur les cellules dormantes ou sur les personnes qui reviennent des zones de conflit, ce qui rend difficile de les suivre ou de les détecter. Avec le déclin de Da'ech et son recul dans ses zones d'influence en Syrie et en Irak, en raison des frappes de la coalition internationale, l’organisation terroriste a trouvé en les loups solitaires, un nouveau subterfuge pour sortir de sa situation difficile, prétendre remporter des victoires, remonter le moral de ses militants et inspirer de nouveaux éléments pour qu’ils rejoignent les rangs de l’organisation, ceci en prétendant que les opérations terroristes sont menées par les soldats du califat. La nouvelle stratégie britannique vise à mettre en place une nouvelle approche en matière de lutte contre la menace terroriste en ne permettant pas aux terroristes d’agir librement et en toute sécurité via Internet, que ce soit au Royaume-Uni ou dans le monde.

4. La crise des revenants Britanniques des zones de conflit. Le Centre international de lutte anti-terrorisme (ICCT) estime à 3 710 le nombre total de combattants étrangers dans 23 pays membres de l'UE. La majorité de ces combattants (2 838) est originaire de quatre pays seulement à savoir la Belgique, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, sachant que la Belgique possède le taux de combattants étrangers le plus élevé. Le Centre estime également que 30% de ces combattants sont rentrés dans leur pays, que les combattants rapatriés constituent une menace potentielle pour la sécurité. 17% des combattants étrangers sont des femmes. La plupart des combattants étrangers sont issus des grandes agglomérations urbaines ou des zones environnantes, ce qui signifie que des réseaux extrémistes opèrent dans ces zones. Entre 6% et 23% de ces combattants sont socialement fragiles. Il s'agit principalement de personnes marginalisées, ou des jeunes dans une phase incertaine de leur vie, et qui ont été recrutés dans un laps de temps relativement court. Il faut noter que les éléments qui se sont battus aux côtés de Daech en Syrie et en Irak ont acquis les techniques de combat et ont une bonne connaissance des procédés technologiques de pointe utilisés par la Grande-Bretagne dans sa lutte contre le terrorisme. Ils sont de même au courant des mesures de sécurité draconiennes en place dans ce pays. C’est pourquoi ils représentent une menace pour la sécurité britannique.

Le gouvernement britannique estime à 850 le nombre de combattants britanniques engagés dans des conflits armés. Le gouvernement a confirmé que les prisons britanniques sont disposées à recevoir les rapatriés de Da'ech.

Résumé

Le succès de cette nouvelle stratégie britannique de lutte contre le terrorisme dépend de son application sur le terrain, pour contrer les menaces terroristes qui visent à déstabiliser le monde en exportant le chaos et en créant des foyers de tension dans différentes régions. Les organisations terroristes recrutent les combattants qui reviennent des zones de conflit ou les loups solitaires radicalisés. D’où la nécessité de renforcer les efforts européens et britanniques pour limiter les risques en renforçant les contrôles sur les déplacements de ces nouveaux combattants vers les zones enflammées, et en imposant des mesures strictes pour empêcher le financement de ces groupes extrémistes et leur interdire l’accès aux armes. Un fait qui contibuera sans aucun doute à la réussite de la nouvelle stratégie britannique basée sur trois piliers fondamentaux : dissuader les individus de rejoindre les groupes terroristes, de soutenir le terrorisme tout en assurant la protection et le suivi.

 

 

 

 

 

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