La France et la Révolution égyptienne de 1952
LES CAUSERIES DE VENDREDI A PARIS
La France et la Révolution égyptienne de 1952
Dans cette première chronique dans Al-Bawaba, je voudrais présenter mes plus vifs remerciements au grand journaliste Abdelrahim Ali, PDG du groupe de presse égyptien Al Bawaba pour m’avoir donné l’occasion d’écrire, alors que je suis installé dans la capitale des Lumières depuis quelque quarante ans.
A l’occasion de la commémoration de la Révolution de juillet 1952, on ne s’est pas soucié d’ouvrir les dossiers de la Révolution, de son chef, et de sa relation avec la France. En réalité, tous les membres du Conseil du commandement de la Révolution, étaient étrangers à la culture française dépeinte par le cinéma égyptien dans la première moitié du vingtième siècle comme l’un des signes de l’aristocratie et du féodalisme la langue de Molière est ainsi apparue comme un signe de la séparation entre la classe des privilégiés et celle du peuple.
Pourtant, le nationalisme égyptien est né à Paris . Promu par l’avant-garde des dirigeants de la réforme puis de la libération, de Tahtawi et Mohammad Abduh, de Ahmed Lutfi al Sayyed à Saad Zaghloul en passant par les Al Fakhri Abdel Nour, pour arriver à Taha Hussein et Tawfiq al Hakim, ils furent tous francophones et anciens parisiens.
Inutile de mentionner l’impact énorme du roman de Tawfiq al Hakim «l'âme retrouvée" écrit à Paris, sur Nasser.
Il est curieux que l’ambassadeur de France au Caire au moment où la Révolution a éclaté ( Couve de Murville, qui était parmi les dirigeants les plus éminents du mouvement de la résistance contre l’occupation nazie de la France et deviendra ministre des Affaires étrangères de De Gaulle, puis son premier ministre) n’ait pas fait allusion dans ses rapports envoyés à Paris au mouvement des Officiers libres, alors qu’ils mentionnaient avec insistance la chute de la popularité du roi et la protestation claire au sein de l’armée. Il faut bien sûr mentionner la détérioration de l’image du roi dans la presse française qui révélait ses scandales et ceux de son entourage.
Mais à peine l’armée s’était-elle mobilisée le 23 juillet que l’attention de la France se focalisa dessus, étant donné la présence de la Compagnie Universelle Maritime du Canal de Suez qui avait une origine française connue, et le développement qualitatif de la relation entre la quatrième République française et Israël (la France allant alors fournir la bombe atomique à Israël). Et nous connaissons tous l’histoire de la nationalisation du Canal, la guerre de Suez et la révolution algérienne, qui ont provoqué une détérioration grave de la relation entre l’Egypte de Nasser et la quatrième République française.
A peine le général de Gaulle fut-il revenu au pouvoir en 1958 que la situation changea du tout au tout, et que Tharwat Okacha, officier de la cavalerie et l’un des rares officiers libres intéressés par la culture française, se mit à tisser un réseau de relations étroites et utiles qui auront un impact important sur les relations entre les deux pays, d’une part, et entre Nasser et de Gaulle, d’autre part.
Cette relation déboucha sur la visite du maréchal Abdel Hakim Amer en France, et l’accueil chaleureux que lui réserva de Gaulle, puis sur le sauvetage du temple d’Abou Simbel grâce à la décision politique des deux dirigeants et à l’activité intense de Tharwat Okacha, devenu ministre de la Culture et de l’égyptologue Christiane Desroches Noblecourt . J'ai eu la chance de les réunir à Paris lorsque l’Unesco décida de leur rendre hommage en présence du Dr Moufid Shihab et du Dr Hani Hilal, qui allaient devenir de grands ministres.
Nasser finit aussi par accueillir le fameux philosophe Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Quant à l’histoire de Nasser avec le journaliste français Jean Lacouture, elle nécessiterait un article séparé . Lacouture m'a raconté les secrets de cette relation et le projet de visite de Nasser en France et de De Gaulle en Egypte, qui n’a malheureusement pas eu lieu pour des raisons auxquelles je reviendrai dans un autre article.
Dans ce cadre, Nasser donna son accord au prêt des trésors de Tantankhamon à l’Exposition historique de Paris, pour honorer la France et De Gaulle personnellement. Lacouture dit à ce propos : Nasser ne se rendit jamais en France, mais envoya comme représentant de lui et de l’Egypte le Grand Pharaon Toutankhamon.