Les migrants vivant en Libye décrivent tous leur passage dans ce pays, en guerre depuis 10 ans, comme un "enfer sur terre". Maintes fois documentées par la presse, les ONG et les organisations internationales, leurs conditions de vie y sont désastreuses. Esclavage, violences physiques et sexuelles, exploitation, torture… rythment leur quotidien.
Mais depuis la signature d'un cessez-le-feu en octobre 2020 entre le gouvernement d'entente nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale, et les autorités de l'Est alliées du maréchal Khalifa Haftar, la situation empire chaque jour un peu plus.
Les migrants font face à une recrudescence des violences, des arrestations et des rapts par les milices. "C'est encore pire qu'avant", souffle Salif*, un Guinéen de 19 ans, qui vit en Libye depuis quatre ans. "Avant la guerre, il y avait moins d'agressions et d'arrestations dans la rue. Là, ça n'arrête pas".
"Tirer sur des migrants est devenu banal"
Plusieurs personnes ont raconté à InfoMigrants s’être fait tirer dessus en pleine rue, "sans raison". "Un de mes amis discutait avec un Malien à Tripoli et il a reçu une balle au niveau de ses pieds", explique Amadou*, un Sénégalais vivant dans la capitale. D'autres témoignages font état des mêmes sévices à Zaouia et Zouara, dans l'ouest de la Libye.
Cette multiplication des exactions s'explique par la fin des combats en Libye. "Les groupes armés ne combattent plus et n'ont plus de revenus liés à la guerre. Ils se tournent donc vers les migrants" pour leur extorquer de l'argent, analyse Liam Kelly, du Danish Refugee Council.
"Tirer sur des migrants est devenu banal", déplore Salif. "Les Libyens nous tirent dessus devant tout le monde et ils ne sont jamais inquiétés", poursuit le Guinéen.
La chasse aux migrants
Les exilés ne sortent plus le soir, de peur de tomber sur des miliciens positionnés devant les commerces, armes à la main, à bord de leur véhicule.
Les arrestations arbitraires ont aussi considérablement augmenté. Ibrahima*, un autre Guinéen de 17 ans, rapporte que deux de ses amis ont été enlevés dans la rue il y a quelques semaines. Les deux jeunes ont été frappés et envoyés dans le désert par des hommes se présentant comme des policiers. Ils ont réussi à regagner Zouara par leurs propres moyens. D'autres disparaissent. Amadou a perdu la trace de son petit frère, parti dans la soirée chercher à manger à Tripoli début juin.
Des sources humanitaires ont signalé à InfoMigrants de multiples incidents survenus mi-juin au cours desquels des étrangers ont été agressés par la population locale de Zouara. Plusieurs d'entre eux ont été hospitalisés suite à ces violences.
À Zaouia aussi la chasse aux migrants fait rage. Selon Salif, plusieurs personnes sans-papiers ont été interpellées ces dernières semaines dans la rue par la police et envoyées en prison. Pour en sortir, les autorités leur ont réclamé la somme de 2 500 dinars (environ 750 euros).