Donald Rumsfeld, artisan de la guerre d'Irak, est mort
Donald Rumsfeld, ancien secrétaire d'Etat à la Défense sous George W. Bush, s'est éteint mardi, à 88 ans. Au côté du vice-président Dick Cheney, dont il était proche, il a fait tomber Bagdad mais n'a pas prévu «d'après». Retour sur celui qui fut un personnage clé du Parti républicain.
Il
fut l'architecte de la guerre en Afghanistan, dès 2001, puis l'artisan
de l'invasion en Irak, en 2003. Donald Rumsfeld, ancien secrétaire d'Etat à la
Défense sous George W. Bush, s'est éteint mardi, à 88 ans. Et sans doute
a-t-il, au côté du vice-président Dick Cheney, dont il était proche, dessiné
les contours des désordres du monde.
En 2006, ce faucon fut congédié par le
président, après une défaite sanglante des républicains dans les urnes à
mi-mandat. Il a alors quitté la politique, éclaboussé par le scandale de la
prison d'Abou Ghraib, révélé en avril 2004. Des photos de prisonniers
irakiens, torturés et humiliés par des soldats américains, avaient provoqué
l'indignation mondiale. A Cuba, dans les cellules de Guantanamo, il aurait
aussi autorisé des interrogatoires virulents.
« Cependant, qu'on l'aime ou pas, il
tient une place centrale dans l'histoire de l'Amérique et dans la
reconfiguration du paysage géopolitique de l'après-guerre froide », note
la politologue Leah Pisar, auteure de l'ouvrage « Orage sur
l'Atlantique : la France et les Etats-Unis face à l'Irak » (Fayard).
Donald Rumsfeld aura été, à 43 ans, sous Gerald Ford, le plus jeune secrétaire à la Défense des Etats-Unis. Il sera aussi, à 74 ans, le plus âgé. Il reprendra les rênes du Pentagone à la demande de George W. Bush dès janvier 2001. Mais les attentats du 11-Septembre bouleversent son destin. Dans une Amérique touchée en plein coeur, il devient l'homme qui vengera son pays. A son bureau lorsqu'un avion d'American Airlines percute le Pentagone, Rummy, héroïque, aide les secours à porter les victimes. Il sera adulé.
En coulisses, pourtant, il monte, avec son
ami Dick Cheney et l'appui des néoconservateurs, l'argumentation contre l'Irak,
afin de remodeler le monde arabe et de libérer les populations des dictatures.
« Le 11 septembre, par sécurité Georges W. Bush survolait le pays à bord
d'Air Force One. Et Dick Cheney et Donald Rumsfeld ont pris le contrôle de la
situation », rappelle Leah Pisar.
« Une
doctrine à la recherche d'une cause »
Face à une Amérique devenue peu sûre d'elle, l'ancien capitaine de l'équipe de lutte de Princeton n'a jamais laissé place au doute. « C'est une doctrine à la recherche d'une cause, résume Leah Pisar. Ils ont choisi l'intervention en Irak même si Saddam Hussein n'était pas responsable des attentats du 11 septembre. Donald Rumsfeld était très complexe. Il était brillant, charmeur, machiavélique. Il avait une intelligence perçante. Il connaissait par coeur les rouages de Washington et savait exploiter ses faiblesses. »
Malin, il assortissait les comptes rendus du
Renseignement destinés au président de citations de la Bible. « En disant
cette fameuse phrase : 'Il y a ce que l'on sait et ce que l'on ne sait
pas. Il y a ce que l'on sait ignorer et ce qu'on ne sait pas qu'on ignore', il
a tout justifié, y compris l'argument des armes de destruction massives jamais
découvertes », reprend Leah Pisar.
Fils d'un agent immobilier, élevé près de
Chicago, il a décroché une bourse pour Princeton. Il s'engage ensuite dans la
marine, devient pilote puis instructeur de l'aéronavale. Mais rien à faire, il
a le virus de la politique, le goût du pouvoir. A 30 ans à peine, il est élu
sous la bannière des républicains au Congrès. Sous Richard Nixon, il deviendra,
notamment, ambassadeur de l'Otan en 1972, échappant ainsi à la chasse aux sorcières
due au Watergate.