Publié par CEMO Centre - Paris
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D'Alexandre le Grand à la reine Cléopâtre, comment l'Egypte est devenue grecque

jeudi 01/juillet/2021 - 05:13
La Reference
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Pouvait-on imaginer conquête plus facile ? En 332 av. J.-C., Alexandre le Grand entra sans coup férir en Egypte. Devant les murailles de la capitale, Memphis, il reçut la clef du trésor royal des mains du chef de garnison perse. Conscients de leur infériorité militaire, les Achéménides, maîtres de la vallée du Nil depuis deux siècles, avaient opté pour une reddition pacifique. Quant aux Egyptiens, « ils voyaient les Perses comme des êtres cupides et despotiques et les détestaient depuis longtemps », affirme l’historien romain du Ier siècle Quinte-Curce.

Alexandre le Grand, un libérateur pour les Egyptiens ?

C’est ce que les auteurs grecs et latins ont toujours affirmé. Si l’on en croit Diodore de Sicile (90-20 av. J.-C.), une décennie avant l’arrivée des Macédoniens, le roi perse Artaxerxès III (425-338 av. J. -C.) avait détruit les temples égyptiens, extorqué les prêtres et massacré un « Apis », le taureau sacré. Rompant avec cette furie sacrilège, Alexandre multiplia les gestes symboliques à l’égard des divinités locales et de la classe sacerdotale. C’est à l’oasis de Siwah, aux portes de la Libye, qu’un oracle le proclama « fils d’Amon ». Cette intronisation ne devait rien au hasard : Amon, déité majeure de la vallée du Nil, était depuis longtemps assimilée à Zeus dans le monde grec. Un dieu égyptien hellénisé : quoi de mieux pour incarner le rassemblement ?

Avant de repartir porter le fer au cœur de l’empire perse, Alexandre composa pour l’Egypte un gouvernement sur mesure. Il attribua le commandement militaire à des Gréco-Macédoniens mais confia le gouvernement civil à trois enfants du pays : Cléomène de Naucratis, un Grec né en Egypte, en charge de l’impôt ; Doloapsis, un Perse affecté à une moitié du territoire, et Pétisis, un Egyptien, aux commandes de l’autre.

Durant son séjour dans la vallée du Nil, de l’automne 332 au printemps 331 av. J.-C., le nouveau maître du pays se fit couronner pharaon, fonda la cité d’Alexandrie et jeta les bases du pouvoir en Egypte. Dans son sillage, ses successeurs sauront composer avec les usages d’une civilisation pluriséculaire. On connaît la suite : en 323 av. J.-C., l’invincible Macédonien s’éteignit à Babylone, probablement des suites du paludisme.

Pendant près de trois cents ans, quinze Ptolémées se succèdent

Ptolémée (368-283 av. J.-C.), un général proche du défunt, devint alors gouverneur d’Egypte. Premier coup d’éclat de ce fin stratège ? En 322 av. J.-C., il subtilisa le sarco­phage d’Alexandre sur la route qui le menait en Macédoine. Le plus grand conquérant de tous les temps fut donc enseveli sur la terre des pharaons. Puis, sept ans plus tard, Ptolémée se fit proclamer souverain d’Egypte en ceignant le diadème royal, conformément à la tradition macédonienne. Le fils de Lagos, qui donnera son nom à la dynastie des Lagides, fut à l’origine du plus prospère et du plus durable de tous les royaumes hellénistiques. Pendant près de trois cents ans, quinze Ptolémées et autant de reines puissantes s’y succéderont. Tous, sans ­exception, étaient d’ascendance macédonienne.

Comment ces « étrangers » ont-ils pu s’imposer sur un territoire riche d’une histoire de vingt-cinq siècles ? En se dédoublant, répond Bernard Legras dans L’Egypte grecque et romaine (éd. Armand Colin, 2004). Les Ptolémées étaient des monarques à deux faces : rois grecs incarnant le droit et la loi aux yeux des sujets grecs, mais aussi pharaons, garants de l’équilibre du monde aux yeux des sujets égyptiens. En leur personne, ils réunissaient « deux conceptions de la monarchie qui n’ont pas fusionné ».

Sur les monnaies apparaissait le portrait du souverain grec paré d’un diadème. Sur les parois des temples égyptiens, s’affichait celui du pharaon coiffé d’une double couronne. Dernier point mais non des moin­dres : les Lagides s’approprièrent l’antique tradition pharaonique des mariages entre frères et sœurs. Pourtant, poursuit Bernard Legras, si leur identité politico-religieuse était double, leur identité culturelle était strictement hellène. A la cour, on ne parlait que le grec mâtiné d’un dialecte macédonien. De tous les Ptolémées, seule Cléopâtre VII (69-30 av. J.-C), réputée polyglotte, pratiquait aussi l’égyptien.


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