Libye : pourquoi les forces étrangères ne partiront pas
En apparence, personne ne veut plus d’eux. De l’ONU au gouvernement de Tripoli, le consensus international semble appeler au départ des forces étrangères présentes en Libye – dominées par les contingents turques et russes qui y sont implantés depuis 2018 et 2019. Mais en apparence seulement : car derrière les résolutions onusiennes et les conférences de presse, personne ne semble véritablement décidé à passer des paroles aux actes.
Pour comprendre pourquoi, il faut revenir à l’origine du processus politique ayant mené au gouvernement d’union mené par Abdel Hamid Dbeibah. Début février, un processus de réconciliation parrainé par la communauté internationale aboutissait à l’élection d’un exécutif unifié, à Genève, après plus de six ans de conflit entre les autorités rivales de Tobrouk, à l’Est, et de Tripoli, à l’Ouest. La communauté internationale n’avait plus accordé de légitimité à un gouvernement libyen depuis 2016. Dix ans après le soulèvement contre Mouammar Kadhafi, les espoirs de liberté et de démocratie étaient certes toujours de lointains souvenirs. Mais après avoir frôlé l’implosion territoriale dans le sillage d’une guerre fratricide, les Libyens renouaient pour la première fois avec un semblant de normalité.
En parallèle, les discussions quant au départ des forces étrangères du pays, nécessaire pour un retour au calme, traînent depuis le mois d’octobre 2020 – lorsque l’accord pour le cessez-le-feu inclut une demande de retrait dans les 90 jours. En mars de cette année, le Conseil de sécurité de l’ONU reconduit la demande et, en mai, le secrétaire d’État américain Antony Blinken appelle à un « retrait immédiat » lors du G7 des ministres des Affaires étrangères réuni à Londres. Cette dynamique relaie également un souhait répandu au sein de la population, dans la mesure où beaucoup de Libyens vivent ces présences militaires comme une humiliation – « une violation de la souveraineté dans un pays fier qui a vécu les précédentes présences étrangères comme de véritables traumatismes, avec par exemple un pourcentage élevé de la population tué par les Italiens dans les années 30 », rappelle Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye au sein de l’unité de recherche sur les conflits au Clingendael Institute, à La Haye.