Le fragile espoir des monts Nouba, région martyre du Soudan
C’est une région grande comme l’Autriche, une Autriche qui ne serait reliée au reste de l’Europe que par une seule et unique route asphaltée et qui serait en guerre depuis quatre décennies. Voici les monts Nouba, dans la partie la plus au sud du Soudan. Les officiels et les étrangers, politiques, humanitaires, diplomates s’y rendent rarement, et plus volontiers en avion et en hélicoptère que par voie terrestre. L’homme ou la femme ordinaire emprunte des moyens de locomotion plus classiques : dromadaire, moto de petite cylindrée, camion Bedford des premiers temps de l’automobile, 4x4 plus ou moins antique. Les pistes sont fermées à la circulation par l’armée entre 16 heures et 6 heures du matin. C’est la nuit que règnent les coupeurs de route.
Ici, on ne connaît pas le nombre d’habitants. 700 000 ? Un million ? Pas de recensement fiable, et trop de guerres pour estimer correctement le nombre de morts, de déplacés, de retours et de départs. Les bourgades s’étendent au pied de collines granitiques escarpées, autour des amas de roches roses, noires ou blanches et dans la grande plaine centrale piquée d’acacias et de baobabs.
Les cités les plus importantes, sur les deux axes principaux nord-sud, sont tenues par le gouvernement, d’autres, souvent plus modestes, le sont par les différents mouvements issus du groupe armé « père », le SPLM-N (Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord), dernier vestige de la guerre qui a opposé, de 1983 à 2005, Khartoum au Soudan du Sud et débouché sur l’indépendance de ce dernier.
Dans ce bout du monde se joue en partie l’avenir de la jeune révolution soudanaise. Car le Nouveau Soudan promis depuis le renversement du régime d’Omar al-Bachir ne se construira pas sans la paix. Ni sans y intégrer les régions périphériques martyres. Et, indubitablement, les monts Nouba sont l’une d’elles.