En Iran, le président est la "façade du régime"
Les Iraniens se rendent aux urnes le 18 juin pour élire leur
nouveau président. Face à la prééminence du Guide suprême et des
Gardiens de la révolution, son rôle s’apparente plutôt à celui d’un chef
de gouvernement. Décryptage.
"Je suis de toutes les
élections, j’ai toujours participé, mais cette fois, je ne voterai pas."
Jointe par France 24, Shahin*, 42 ans, exprime son amertume et sa
lassitude : "Président après président, je vais de déception en
déception et la situation économique du pays n'en finit pas de se
dégrader. Pourquoi ferais-je l’effort de me déplacer aux urnes si celui que
j’élis ne fait rien ?" Comme cette habitante de Téhéran, de nombreux
Iraniens, déçus par les deux mandats du président Hassan Rohani, entendent bouder la
présidentielle du 18 juin. Le dernier scrutin, les législatives de février
2020, avait déjà été marqué par une abstention record de
plus de 57 %.
Les raisons de ce désintérêt ?
Outre le nombre élevé de candidats à la présidentielle disqualifiés par le
Conseil des Gardiens – une instance chargée en Iran de contrôler les élections
– se pose la question des marges de manœuvre du président de la République
islamique d’Iran et de son gouvernement. Une situation dont s’est plaint le
ministre des Affaires étrangères en personne. Dans un enregistrement
qui avait fuité fin avril, Mohammad Javad Zarif regrettait que tout un pan
stratégique de la diplomatie iranienne lui échappait au quotidien.
Très critiqué pour ses propos,
le chef officiel de la diplomatie iranienne s’en prenait notamment au
corps des Gardiens de la révolution.
En Iran, cette "force chargée de défendre les idéaux de la République
islamique n’a de comptes à rendre qu'au Guide suprême", indique à France
24 Thierry Coville, chercheur à l'Institut de relations internationales et
stratégiques (Iris).
Au cœur de l'État iranien, le Guide concentre la plupart des
pouvoirs en vertu de la Constitution iranienne. "C’est le
Guide qui détermine la direction de l’État. Le président iranien, élu tous les
quatre ans, a un rôle comparable à celui d'un Premier ministre",
explique Jonathan Piron, historien spécialiste de l’Iran pour le centre de
recherche Etopia à Bruxelles.
Élu à vie, le Guide suprême
contrôle l’armée, la police, les médias d’État et désigne le chef du système
judiciaire. Il est aussi celui qui choisit la moitié des membres du Conseil des
Gardiens, l’instance chargée de valider les candidatures à la présidentielle.
L’autre moitié étant désignée par le pouvoir judiciaire, lui-même nommé par le
Guide. "Il existe des éléments dans lesquels la vie politique iranienne se
développe, mais tout reste centralisé autour de la figure du Guide de la
révolution", souligne le chercheur.