Syrie : « l’aide internationale fait défaut » à Rakka, selon sa maire kurde Leïla Mustafa
Leïla Mustafa, placée à la tête de la municipalité de
Rakka depuis la reprise de la ville syrienne aux djihadistes de l’organisation
Etat islamique (EI) par les forces kurdes en 2017, était en visite en
France à l’invitation de la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui ne l’a finalement
pas reçue. Elle dénonce le manque d’intérêt des puissances occidentales pour le
devenir de Rakka depuis la fin des combats.
Les relations entre les capitales occidentales et les
autorités du nord-est de la Syrie se sont longtemps limitées à une dimension
militaire, dans le cadre de la lutte contre l’Etat islamique, et ce au
détriment d’une plus grande coopération dans le domaine civil. Votre visite
signale-t-elle une évolution de cet état de fait ?
Notre visite en France, à l’invitation de la maire de
Paris, Anne Hidalgo, fait suite au voyage dans le nord-est de la Syrie d’une
délégation française de plusieurs élus locaux. Nous apprécions ces échanges
directs avec des représentants de la société civile, à défaut de reconnaissance
diplomatique officielle. Malgré notre coopération militaire avec la France dans
le cadre de la coalition internationale, l’approfondissement des relations dans
le domaine civil reste à la traîne.
Rakka
est connue pour avoir été la capitale de l’Etat islamique, la ville depuis
laquelle plusieurs attentats, dont ceux de Paris et Bruxelles, ont été
projetés. Depuis que les djihadistes en ont été chassés, dans quel état se
trouve la cité ?
La libération de Rakka qui a été menée par les Forces
démocratiques syriennes, avec le soutien de la coalition, s’est traduite par la
destruction presque totale de la ville – 95 % des bâtiments du
centre-ville ont été endommagés ou rasés. Les infrastructures vitales, comme
les réseaux d’adduction d’eau et d’électricité, ont été mises à terre. Pour
rendre la ville habitable de nouveau, nous avons bénéficié d’un soutien minimal
de la coalition internationale, presque insignifiant cependant au regard des
destructions.
Il a donc fallu que les nouvelles autorités locales et
les habitants prennent en main eux-mêmes l’effort de reconstruction, rue par
rue. Aujourd’hui, la vie est de retour à Rakka, avec de nouveaux habitants
venus des zones contrôlées par le régime et des régions occupées par la Turquie
et ses mercenaires. Rakka a été la capitale du terrorisme et de
l’obscurantisme ; elle est devenue une maison pour tous les Syriens qui
veulent vivre en paix.
Les défis restent cependant immenses, et nous n’avons pas
les moyens de reconstruire les infrastructures les plus importantes comme les
ponts de l’Euphrate. Nous ne sommes pas des mendiants, nous voulons des
partenariats concrets, une coopération sur des projets précis, mais l’aide
internationale fait défaut.