Dangereuse escalade contre l’Iran
Depuis des mois, Israël s’en prend à des objectifs iraniens, en particulier aux bateaux civils, mais aussi au centre de recherche nucléaire de Natanz. Contrairement à la traditionnelle «méthode du flou», les dirigeants israéliens se vantent publiquement de leurs agressions, comme s’ils voulaient pousser la République islamique à l’escalade. Sinon comment interpréter ce tournant qui d’ailleurs suscite de sévères critiques dans les cercles sécuritaires israéliens?
Trois raisons peuvent expliquer le comportement provocateur du premier ministre.
Primo, sa situation personnelle – Benyamin Netanyahou se trouve en plein procès pour corruption aggravée – et politique – après trois élections, il ne parvient toujours pas à former une majorité parlementaire. Une petite guerre contre l’Iran pourrait faire monter ses actions.
Secundo, son opinion que l’Iran constitue une menace civilisationnelle. Formé chez les néoconservateurs étasuniens dans les années quatre-vingt, Netanyahou croit sincèrement qu’il faut mettre à bas le régime iranien avant qu’il ne soit trop tard. Il ne cesse de le rabâcher: il ne sera pas le Chamberlain qui n’a su mesurer à temps le danger nazi.
Tertio, le fait que l’Iran est une puissance régionale qui, contrairement par exemple à l’Arabie saoudite, refuse l’hégémonie israélienne dans la région et qui est capable de freiner certaines des ambitions de l’Etat hébreu.
La période de l’administration Trump a été favorable à la stratégie agressive et provocatrice de Netanyahou – ce dernier dictant à l’ignare locataire de la Maison-Blanche la politique à suivre dans la région. Avec Joe Biden, c’est une toute autre histoire: d’une part, Biden connaît très bien les méandres de la politique moyen-orientale, de l’autre, il veut retourner au multilatéralisme, coordonner la politique étasunienne avec les autres acteurs de la communauté internationale et en particulier revenir à l’accord sur le nucléaire signé par l’Iran et les puissances internationales, foulé aux pieds par Trump… sur les conseils de son ami Bibi. Après que Netanyahou s’est totalement allié avec Trump, rompant ainsi avec la traditionnelle politique bipartisane d’Israël envers les Etats-Unis, l’administration démocrate ne fera pas de cadeau aux néoconservateurs israéliens (excepté bien entendu les 3,5 milliards de dollars d’aide militaire que les Etats-Unis paient chaque année à l’Etat hébreu).
Netanyahou voudrait mettre la charrue (israélienne) avant les bœufs (étasuniens) et obliger par ses provocations Washington à s’aligner, malgré ses propres choix stratégiques, sur la politique anti-iranienne d’Israël. C’est la raison d’être de la politique de l’escalade menée par le gouvernement d’extrême droite israélien, et des provocations diverses des forces israéliennes fièrement revendiquées par ses dirigeants.
Pourtant, les cercles sécuritaires israéliens sont préoccupés par cette stratégie: «la politique de l’escalade, ça n’existe pas» ont répété plusieurs d’entre eux. Le propre de toute forme d’escalade est qu’on en perd le contrôle. Téhéran n’est pas Gaza et les moyens de riposte, directs et indirects, de la République islamique sont nombreux et pourraient coûter très cher à Israël. Cela étant, ce qui dicte aujourd’hui la stratégie extérieure israélienne, ce ne sont ni les rapports de force régionaux ni le contexte international, mais les échéances judiciaires du locataire de la rue Balfour et ses efforts pour éviter coûte que coûte de devoir passer quelques années dans la prison de Maassiyahou.